Ayant illégalement annexé la Crimée, les autorités russes se sont rappelées et ont amélioré les méthodes du régime stalinien par rapport aux Tatars de Crimée.
En 2016, l’activité des Mejlis du peuple tatar de Crimée a été interdite. Le droit des Tatars de Crimée à la possibilité de résider sur le territoire de la Crimée est remis en question et des militants sont arrêtés. Des politiciens russes appellent à une installation des Tatars de Crimée en Sibérie et en Extrême-Orient. Le peuple tatar de Crimée a de nouveau été confronté aux répressions politiques et aux persécutions, comparables à la tragédie de la déportation stalinienne des Tatars de Crimée en 1944.
C’est pourquoi il est extrêmement nécessaire de connaître et de se souvenir de la vérité sur la réinstallation forcée d’une nation entière de sa patrie historique effectuée par le gouvernement soviétique.
Des plans pour la déportation des Tatars de Crimée ont déjà été élaborés lors de la libération de la Crimée des troupes de l’Allemagne et de ses alliés. Le 18 mai 1944, le régime stalinien communiste a commis l’un de ses pires crimes – l’expulsion forcée des Tatars de Crimée de leur patrie vers l’Asie centrale et les régions reculées de la Russie.
Cette action s’est accompagnée de nombreuses victimes, elle a brisé le sort de centaines de milliers de personnes et a contraint l’ensemble du peuple à vivre bien au-delà de ses terres natales pendant des décennies. Plusieurs générations de Tatars de Crimée ont grandi en exil.
Les accusations de coopération avec le Troisième Reich sont devenues la base de la déportation, malgré le fait que des représentants du peuple tatare de Crimée aient combattu dans les rangs de l’Armée rouge, aient participé au mouvement partisan.
Même ceux des Tatars de Crimée qui ont été évacués de Crimée avant l’arrivée des troupes allemandes en 1941 et ont réussi à revenir de l’évacuation en avril-mai 1944 après l’expulsion des nazis de la péninsule, ont été expulsés. Ils ne vivaient pas dans l’occupation et ne pouvaient pas participer à des groupes collaborationnistes. Tous les dirigeants communistes et soviétiques de la République autonome de Crimée ont également été expulsés. Cela s’était expliqué par le fait que dans le nouveau lieu on a besoin des dirigeants.
L’opération d’expulsion a commencé tôt le matin du 18 mai 1944 et s’est terminée à 16 heures le 20 mai. Les gens disposaient de quelques minutes à une demi-heure pour les préparatifs, après quoi ils étaient transportés par camion jusqu’aux gares. De là, des trains avec eux ont été envoyés vers des lieux d’exil.
Selon des témoins oculaires, ceux qui résistaient ou ne pouvaient pas marcher étaient souvent fusillés sur place. Les exilés étaient rarement nourris sur la route. Dans certains trains, les gens ont reçu de la nourriture pour la première et la dernière fois au cours de la deuxième semaine du voyage. Les défunts ont été enterrés à la hâte près de la voie ferrée ou simplement laissés sur place.
Un télégramme du Commissariat du Peuple des affaires intérieures (NKVD) de l’URSS adressée à Staline a déclaré que 183 155 personnes ont été expulsées (à l’exclusion des soldats de l’Armée rouge qui ont été envoyés dans une colonie spéciale après la démobilisation de 1945).
La plupart des gens ont été déportés en Ouzbékistan (151 136 personnes) et dans les régions limitrophes du Kazakhstan (4 286 personnes) et du Tadjikistan, de petits groupes ont été envoyés en République socialiste soviétique autonome de Mari (8 597 personnes) et en région de Kostroma. Une partie importante des Tatars de Crimée a été transférée «à des fins de travail» dans des mines, des usines et des chantiers de construction, où la plupart d’entre eux ne disposaient pas des conditions de base pour la vie et le travail.
Selon les estimations des chercheurs modernes, les pertes humaines réelles lors du transport des Tatars de Crimée vers l’est se sont élevées à 7 889 personnes. Un nombre important d’expulsés sont morts de faim et de maladies en 1944 – 1946. Les estimations du nombre de morts au cours de cette période varient considérablement: de 15 à 25%, selon divers organes officiels soviétiques, à 46%, selon les estimations des militants du mouvement des Tatars de Crimée, qui ont recueilli des informations sur ceux qui sont morts dans les années 1960.
Au total, environ 45 000 Tatars de Crimée sont morts au cours des deux premières années après la déportation. Pendant 12 ans jusqu’en 1956, les Tatars de Crimée ont eu le statut de colons spéciaux. Ils avaient diverses restrictions à leurs droits, en particulier une interdiction de traverser sans autorisation (sans l’autorisation écrite du bureau du commandant spécial) la limite de la colonie spéciale et une sanction pénale pour sa violation. De nombreux cas sont connus lorsque des personnes ont été condamnées à des camps de détention de longue durée (jusqu’à 25 ans) pour avoir rendu visite à leurs proches dans des villages voisins dont le territoire appartenait à une autre colonie spéciale.
Après la déportation des Tatars de Crimée, deux décrets de 1945 et 1948 ont renommé toutes les villes et tous les villages (à l’exception de Bakhchisaray, Dzhankoy, Ishuni, Saki et Sudak) dont les noms étaient d’origine tatare de Crimée (plus de 80% du nombre total d’agglomérations de Crimée).
La déportation de la nation entière a été effectuée même en dépit des mérites des Tatars de Crimée à l’URSS. À la veille de la guerre, plus de 5 000 Tatars de Crimée ont été appelés à l’Armée rouge, et environ 16 000 ont été appelés entre 1941 et 1945. Au moins sept d’entre eux ont reçu le titre de Héros de l’Union soviétique, et l’excellent as pilote Amet-Khan Sultan, qui a fait 603 missions de combat, mené 150 batailles aériennes, abattu personnellement 30 avions allemands (dont 1 bombardier – avec un éperonnage) et 19 dans le groupe, est devenu deux fois le Héros de l’Union soviétique.
Abdraim Reshidov est un héros national du peuple tatar de Crimée. As pilote soviétique. Au total, pendant les années de la guerre, Reshidov a effectué 222 missions de combat. Lors des batailles aériennes, son équipage a abattu huit avions ennemis.
Selon diverses sources, de 17 000 à 25 000 Tatars de Crimée ont participé à des mouvements partisans et clandestins. Plus de 20 000 Tatars de Crimée ont été emmenés pour le travail forcé en Allemagne, les envahisseurs ont brûlé 127 villages tatars de Crimée.
Malgré cela, les Tatars de Crimée, qui ont combattu dans certaines unités de l’Armée rouge, ont également été expulsés après la démobilisation. Ainsi, immédiatement après la victoire sur l’Allemagne nazie, en mai 1945, plusieurs milliers de Tatars de Crimée ont été déportés des unités actives de l’Armée rouge. Il existe des exceptions lorsque certains officiers des Tatars de Crimée n’ont pas été envoyés dans des lieux de déportation en tant que colons spéciaux (par exemple, les pilotes Amet-Khan Sultan, Emir Usein Chalbash), mais il leur a été interdit de vivre en Crimée.
Au total, de 1945 à 1946, 8 995 Tatars de Crimée, vétérans de guerre, ont été exilés sur des sites de déportation, en particulier 524 officiers et 1392 sergents. En 1952, seulement en Ouzbékistan, il y avait 6 057 participants à la guerre, dont beaucoup avaient reçu des décorations élevées du gouvernement.
En plus des Tatars de Crimée, au début de la guerre, les citoyens soviétiques d’origine allemande qui vivaient en URSS ont été réprimés. L’avancée rapide des troupes allemandes n’a pas permis une expulsion totale, les hommes en âge d’être enrôlés ont d’abord été envoyés. Plus de 61 000 personnes ont été expulsées de Crimée, dont 11 000 liées aux Allemands par des liens familiaux. Des représentants de ce peuple ont été emmenés en Sibérie et au Kazakhstan. Après la libération de la Crimée des nazis en 1944, 2 300 autres Allemands ethniques ont été expulsés de Crimée vers la région d’Omsk.
Pendant plusieurs jours de juin 1944, les autorités du NKVD ont expulsé de la Crimée aux colonies spéciales dans les régions de Guryev (aujourd’hui d’Atyrau, Kazakhstan), de Molotov (aujourd’hui de Perm), de Sverdlovsk, de Kemerovo et de la République socialiste soviétique autonome de Bachkirie, toutes les familles des Grecs, des Arméniens et des Bulgares pour un total de 38 455 personnes (dont: Grecs – 16 006 personnes; Arméniens – 9 821; Bulgares – 12 628). La participation de ces peuples à l’aide au Troisième Reich a également été proclamée comme la raison officielle de la déportation.
En 1956, tous les peuples déportés ont été réhabilités, les restrictions et le statut des colons spéciaux ont été levés. Les Grecs, les Bulgares et les Arméniens ont obtenu le droit de retourner en Crimée. Cependant, pour les Allemands et les Tatars de Crimée, l’interdiction est restée en vigueur.
Selon des ordres tacites, il était interdit d’enregistrer les Tatars de Crimée sur la péninsule. Cependant, après 1956, une partie des Tatars de Crimée a commencé à s’installer près de la Crimée, dans les régions du Sud de l’Ukraine ou de Krasnodar. Ce n’est que dans quelques cas qu’ils ont réussi à s’installer en Crimée.
Ce n’est que le 5 septembre 1967, par décret d Présidium du Soviet suprême de l’URSS n ° 493, qu’il a été reconnu que les faits d’une coopération active d’une certaine partie des Tatars de Crimée avec les envahisseurs allemands étaient déraisonnablement attribués à l’ensemble de la population tatare. Et ce n’est que le 14 novembre 1989 que le Soviet suprême de l’URSS a adopté une déclaration dans laquelle il a condamné la déportation des Tatars de Crimée, l’a reconnue comme illégale et criminelle. Le retour en masse des Tatars de Crimée à leur patrie a commencé. Au total, jusqu’à 270 000 Tatars de Crimée sont revenus.
La déportation massive de la population tatare de Crimée était un acte illégal et criminel. La punition de représentants individuels du peuple pour la coopération avec les Allemands a été imposée à l’ensemble du peuple, y compris les enfants, les femmes, les personnes âgées et même ceux qui ont combattu avec abnégation le nazisme dans l’Armée rouge et contribué à la victoire. Il est à noter que la coopération avec les nazis pendant la Seconde Guerre mondiale a eu lieu entre tous les peuples tombés sous occupation et qu’elle a atteint la plus grande échelle parmi les Russes. Ainsi, en 1941-1945 plus de 400 000 Russes ont fait leur service militaire directement dans les rangs de l’armée allemande. Cependant, après la guerre, le peuple russe, contrairement aux Tatars de Crimée, n’a pas subi d’expulsions forcées massives – seuls ceux qui ont directement collaboré avec les nazis ont été réprimés. On le voit, le principe stalinien de la responsabilité collective a été appliqué de manière sélective.
Le 12 novembre 2015, la Verkhovna Rada d’Ukraine a reconnu l’expulsion de Crimée en 1944 comme le génocide du peuple tatar de Crimée et a proclamé le 18 mai Journée du souvenir des victimes du génocide du peuple tatar de Crimée. De nos jours cette date revêt une importance particulière, car depuis 2014, la Crimée est sous occupation russe et plus de 20 000 Tatars de Crimée ont été forcés de quitter leur patrie, et ceux qui restent sont victimes de harcèlement et d’intimidation, comme en témoignent de nombreux rapports d’organisations internationales.
En nous rappelant le triste anniversaire de la déportation des Tatars de Crimée, nous devons nous souvenir de ceux qui sont morts, réprimés, disparus, que ce soit en 1944, ou lors du rétablissement par Moscou de «l’ordre» en Crimée annexée. Malgré tous les défis, ce peuple aimant la liberté, continue de lutter pour ses droits et son indépendance avec le peuple ukrainien.
Source: yvision.kz/post/855897